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NOS LIBÉRATEURS
Un Empire divisé, deux armées
La France était vaincue mais l’Empire était intact. N’aurait-il pas dû poursuivre la lutte ? Plus d’un demi-million de soldats étaient encore mobilisés dans les colonies. Mais les grands chefs de l’Empire n’osèrent pas franchir le pas ; ils obéirent aux ordres qui venaient de la métropole et se résignèrent à la défaite.

Au même moment, à Londres, un général alors peu connu, Charles de Gaulle, appelait les Français à se joindre à lui pour maintenir la France dans le combat. Quelques milliers d’hommes s’étaient rangés derrière lui… Il était crucial qu’au delà de ces maigres ralliements, cette France qui refusait la défaite ait un territoire pour devenir réalité. La métropole étant à la merci des Allemands, l’avenir de la France libre résidait dans l’Empire colonial français.

L’appel du général de Gaulle fut entendu dans les colonies. Dès le début de l’été 1940, des fragments de l’Empire choisirent le camp de la France libre. Ce furent d’abord des territoires périphériques : les comptoirs français de l’Inde, les Nouvelles Hébrides, Tahiti et la Nouvelle-Calédonie. Puis, la France libre fut africaine avec l’allégeance de l’Afrique équatoriale au général de Gaulle à la fin du mois d’août. L’échec du corps expéditionnaire français devant Dakar en septembre 1940 marqua un coup d’arrêt dans les ralliements à la France libre. La majeure partie des colonies était demeurée fidèle au maréchal Pétain.

L’Empire colonial était scindé en deux. Les soldats coloniaux suivaient leurs officiers, eux-mêmes obéissant aux autorités qui gouvernaient les territoires où ils étaient cantonnés. Ainsi, dans leur immense majorité, les soldats indigènes d’Afrique du Nord et de l’Afrique occidentale française restèrent-ils dans l’armée de Vichy alors que les volontaires d’Océanie et les tirailleurs de l’Afrique équatoriale devenaient des Forces françaises libres. Dans plusieurs endroits cependant, en Afrique occidentale, au Proche-Orient, des officiers français rallièrent le général de Gaulle, entraînant leurs soldats avec eux. Cette ébauche d’armée de la France libre se joignit aux forces britanniques qui menaient
la guerre dans le désert du Sahara contre les armées italienne et allemande coalisées.

Rares étaient les sujets de l’Empire qui se sentaient concernés par la lutte politique qui opposait la France combattante à l’État de Vichy. Pourtant, certains choisirent le camp de la France libre : ainsi, des Abrons de Côte d’Ivoire émigrèrent-ils vers la Gold Coast voisine (l’actuel Ghana), avec, à leur tête, leur roi dont trois des fils s’engagèrent dans l’armée gaulliste. Des Antillais s’évadèrent de la Guadeloupe et de la Martinique pour rejoindre les Forces françaises libres.

Il y avait maintenant dans l’Empire deux armées françaises qui, un jour ou l’autre, risquaient de se combattre. Une première fois, en septembre 1940, à Dakar, l’armée française fidèle à Vichy avait ouvert le feu sur des soldats des Forces françaises libres. Deux mois plus tard, au moment du ralliement du Gabon à la France libre, l’affrontement ne dura que quelques jours. Mais l’année suivante, ce fut la guerre.

Au Liban et en Syrie, en juin 1941, les 40 000 hommes de l’armée de Vichy reçurent l’ordre de s’opposer à l’armée britannique et aux Forces françaises qui entraient dans les deux pays. Dès le début des combats, des tirailleurs africains se retrouvèrent engagés contre des tirailleurs marocains, des cavaliers tcherkesses de Syrie furent opposés à d’autres cavaliers tcherkesses, un bataillon de tirailleurs tunisiens fut envoyé contre des Saras du Tchad… Au fur et à mesure des batailles, les soldats coloniaux parurent de moins en moins disposés à combattre au point que le commandement britannique ne leur faisait plus confiance. La guerre du Levant dura un mois faisant de part et d’autre dans les rangs français près de 1000 morts et plus de 2500 blessés.

Un an et demi plus tard, lorsque l'Afrique du Nord puis l'Afrique occidentale française basculèrent dans le camp allié, le Comité français de libération nationale décréta la fusion des deux armées. Cette réunification ne fut pas aisée car les combats fratricides avaient laissé des traces. Lentement, les rancœurs se dissipèrent dans le combat que les ennemis d'hier menèrent dorénavant ensemble contre les Allemands.
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